par Simon Delattre
Marc-André Villard, professeur de biologie à l’Université de Moncton, a tapé un grand coup sur la table en reprochant aux étudiants une mauvaise maîtrise du français. Dans une lettre
d’opinion publiée la semaine dernière dans l’Acadie Nouvelle, il dresse un portrait très critique du système d’apprentissage de la langue de Molière. «J’ai constaté que pas mal d’étudiants ont peu de vocabulaire, des problèmes avec la syntaxe, des tournures de phrase en anglais.» nous confie-t-il «il y a quelque chose qui ne se passe pas à l’école et au secondaire ».
Pour lui, les chiffres sont assez révélateurs : plus de mille étudiants suivent actuellement des cours de rattrapage. Il se dit particulièrement préoccupé du fait que ces lacunes sont aussi très
présentes parmi les élèves de la Faculté des sciences de l’éducation, qui seront pourtant les enseignants de demain. Dans sa lettre Marc-André Villard pose la question suivante : « Peut-
on justifier que nos étudiants en éducation puissent encore être diplômés sans maîtriser la langue ? ». Il souhaite donc une prise de conscience collective sur les conséquences d’un tel phénomène pour la formation des générations futures. «On a atteint un point critique» explique-t-il, « mais nombreux sont ceux qui ont encore la tête dans le sable ».
Lise Rodrigue, responsable du secteur langue, le rejoint sur le constat général: «On est
conscient que la situation n’est pas parfaite et que des étudiants nous arrivent de l’école avec
des lacunes en grammaires. On fait de notre mieux pour qu’en bout de ligne ils aient un
français de niveau universitaire. Mais c’est certain que les étudiants qui arrivent avec trop de
lacunes en conserveront certaines même après avoir passé leurs cours.» En revanche, elle
demande de ne pas entretenir la critique facile: « Une bonne partie des étudiants finissent
leurs études en maîtrisant bien la langue. Ce ne sont que 10% des étudiants qui ont de grosses
difficultés. A l’école ils font de l’excellent travail. Je crois que si on joue le jeu du blâme ça
ne va pas faire avancer le débat. Je pense qu’on doit tous se poser des questions. »
Resserrer les critères de sélection ?
Les solutions de Marc-André Villard sont simples: «durcir les règles et s’assurer que les
meilleurs professeurs enseignent. » Il appelle ainsi l’Université à établir une norme pour faire
comprendre aux étudiants que le français se parle selon certaines règles. « Entre amis on peut
parler chiac ou tout ce qu’on veut mais en public on doit atteindre un certain niveau de
langue. Je suis pour l’accessibilité aux études, tous ceux qui veulent entrer à l’université
devraient pouvoir le faire, mais une fois rendu il faut travailler»précise-t-il. Lise Rodrigue
n’est pas tout à fait de cet avis : « Les étudiants en éducation doivent déjà réussir un test de
compétence langagière pour pouvoir graduer. Pour ce qui est de resserrer les règles à l’entrée,
le test de classement est justement un outil pour que les étudiants plus faibles passent par une
remise à niveau. Aller plus loin voudrait dire qu’on refuse des étudiants. En Acadie on a
toujours dit qu’on donne la chance à tous d’aller à l’université. Est-ce qu’on veut une
université élitiste, qui n’accepte que les meilleurs? Il faudrait poser la question à la société
dans son ensemble.» Elle propose pour cela d’organiser un forum qui réunirait professeurs,
élèves, parents, membre de l’administration; afin de cerner le problème et de trouver des
solutions collectives.
Repenser les relations élèves - professeurs
Selon le professeur de biologie, une partie du problème réside dans le fait que trop de points
se négocient au sein de la salle de classe. Il dénonce une «approche client», avant de
s’expliquer: «nous les professeurs nous sommes des pourvoyeurs de services et vous vous
payez ces services. Des fois ça va trop loin, on ne devrait pas négocier le contenu des cours.
L’étudiant est roi et lorsqu’il n’est pas satisfait de la performance du prof ou du niveau de
difficulté des examens, il va s’exprimer. Au fil des années j’ai remarqué que parfois les
professeurs qui sont exigeants reçoivent des pressions. Je trouve ça malsain, comme ça sera
malsain un système où le prof a toujours raison. Le prof est un être humain, pas une personne
toute puissante, et l’étudiant non plus. Il faut qu’il y ait des compromis de part et d’autre. » Il
se félicite en tout cas d’avoir suscité le débat autour d’un sujet qu’il juge tabou. Il espère être
entendu et enjoint l’administration à réfléchir à la situation.
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