mercredi 6 février 2013

Petite histoire du mouvement étudiant, un grizzly devenu ourson

par Simon Delattre

Chacun d’entre nous se préoccupe de son avenir, que ce soit au niveau universitaire, amoureux ou professionnel… mais prenons le temps aujourd’hui de tourner la tête vers le passé, et voyons ce qu’il a à nous apprendre. Je lisais récemment un ouvrage passionnant et dont je conseille la lecture à tous, « l’Histoire de la FÉÉCUM (1969-2009) » par Carolynn McNally. Cela m’a donné le goût de vous présenter une rétrospective des contestations étudiantes, d’en faire le bilan depuis les débuts de l’Université de Moncton jusqu’à aujourd’hui.

Denis Losier, Président de la société d’assurance Assomption-vie, a été secrétaire général de la FÉUM* de 1972 à 1973. Il se souvient de ces années de lutte : « De 1968 à 1973, ça a été une époque très riche en manifestations ! Les étudiants ont réussi à sensibiliser la population avec leurs actions publiques, ce qui a permis de faire avancer le dossier linguistique d’une manière considérable. » En effet, en 1968 par exemple, plus de 2 000 étudiants ont défilé dans le centre-ville pour que le français soit reconnu par l'administration municipale. Certains iront loin dans la provocation en déposant une tête de cochon devant la maison du maire Johns, connu pour être particulièrement francophobe. La même année ils protestaient déjà contre la hausse des frais de scolarité en votant à 84% une grève qui durera 9 jours.

Calixte Duguay, chanteur, était professeur de littérature à l’Université à cette époque : « nous alors étions tous militants, c’était dans l’air du temps », nous dit-il. « Les Acadiens se sont réveillés en 1968, avec des écrits engagés. On protestait et on n’avait pas peur de déranger l’ordre établi ».

En 1975, le gouvernement Hatfiled crée un programme moins généreux d’attribution de prêts et de bourses. Une réunion d’information est alors organisée par la FÉUM : les cours sont annulés et 800 étudiants participent. La FÉUM demande au ministre d’abandonner le projet. Devant le refus de ce dernier, les étudiants décident par référendum d’occuper le siège du gouvernement à Fredericton. Plus de 500 étudiants motivés se déplacent et investiront les locaux des fonctionnaires provinciaux pendant 11 jours. 11 jours pendant lesquelles les manifestants se sont organisés pour se faire entendre nuit et jour, pour assurer le ravitaillement et entraîner 400 autres personnes avec eux.

En 1982, le recteur annonce une hausse de 20% des frais de scolarité. En réaction, plusieurs centaines d’étudiants lancent une occupation pacifique de l’édifice Taillon pour exiger le gel des frais de scolarité. Malheureusement, le dénouement sera le même que pour les évènements de Fredericton ; les manifestants seront évacués de force par la police et n’obtiendront pas gain de cause. De plus, plusieurs étudiants ne seront pas autorisés à se réinscrire. Cela marquera la fin des actions fortes. À partir du milieu des années 1980, les actions se font moins frontales et le mouvement s’essouffle progressivement. Les frais, eux, n’ont fait qu’augmenter depuis.

Les occupations deviennent des marches et les revendications deviennent des « recommandations ». En 1995, près de 1000 étudiants participent à une marche contre la réforme Axworthy qui souhaitait réduire le financement des universités. Encore une fois, la réforme est passée. En 2008, ils ne sont plus que 200 manifestants à se rassembler contre une nouvelle hausse des frais de scolarité. 2012 : le mouvement étudiant forme un tsunami au Québec, mais s’apparente plutôt à une vaguelette à Moncton. Et le 23 janvier 2013, lors de la sensibilisation au problème de l’endettement des étudiants organisée par la FÉÉCUM, à peine 30 étudiants étaient présents. Alors pourquoi ce déclin ?

Maurice Basque, historien à l’Institut des études acadiennes résume cette évolution : « Dans les années 1960, au Nouveau-Brunswick comme partout ailleurs ce sont les grandes contestations. Ici la contestation des étudiants se place sur le plan identitaire et linguistique. Mais dans les années 1980, l’individualisme est plus prononcé ». Herménégilde Chiasson, auteur acadien et étudiant en 1968, le rejoint dans cette analyse : « On vit dans une société très individualiste, alors qu’à l’époque elle était beaucoup plus collective. Les étudiants étaient très engagés, maintenant ils semblent plus conciliants. Il devient très difficile de rassembler les gens autour d’un évènement commun ».

*La FÉUM (Fédération des étudiants de l’Université de Moncton) est devenue la FÉÉCUM en 1988.

1 commentaire:

Martin Léger a dit...

Quand j’avais commencé l’université, je croyais plutôt qu’il n’avait pas de manifestation parce qu’il n’avait pas le besoin. C’est peut-être une partie de la raison, comparer aux années 60, on se sent bien plus confortable envers la dualité linguistique.
En ce qui concerne la cause étudiante? Bof, moi je ne suis vraiment pas en accord avec le Québec. Mais, c’est un autre problème complètement. Je pense surtout que la mentalité envers l’éducation postsecondaire a changé énormément. Pour la pensée populaire, l’université n’est plus un bassin pour s’enrichir mentalement et culturellement. C’est simplement devenu une prochaine étape de la vie; une démarche pour ta job du future.
De mon cas au moins, j’ai été drillé d’aller à l’université pour pouvoir avoir ma dream job, faire ce que j’aime (ha ha). J’ai été dit d’aller à l’Uni juste pour avoir une job. Alors, pourquoi s’investir? Ce n’est pas permanent, j’vas avoir ma dream job anyways! Moi, j’ai perdu cette mentalité, mais j’imagine que plusieurs auraient peut-être encore cette perception de l’Université.