mercredi 30 novembre 2011

Le programme de médecine de l’université de Moncton démystifié

par Mathieu Plourde Turcotte

Il est rare de les apercevoir sur le campus, il est possible d’en rencontrer quelquefois dans les partys ou au ceps pour les chanceux chanceuses, mais il serait parfois possible de se demander ce qui les attache au campus. Car, oui, il y a bien un programme de médecine donné à Moncton, sauf qu’il est donné par l’université de Sherbrooke sur le campus de l’université de Moncton. Christian Campagna, étudiant de ce programme et président de l’Association générale des étudiants et étudiantes en médecine de l’université de Sherbrooke (l’AGÉEEMUS) à Moncton, admet avoir pris une bonne année et plus pour comprendre le programme dans les moindres petites subtilités. Donc, voici ce qui en est.

Tous les cours se donnent au Pavillon Frenette et tout peut se faire dans ce même pavillon, ce qui explique un peu la rareté de leur présence sur le campus. L’horaire est fondamentalement différent de tous les autres programmes, car le cursus du programme doit être, pour simplifier l’organisation, standardisé et mis en commun avec celui de l’université de Sherbrooke. Et ça comprend le fait de placer certaines réunions, devant se faire entre les trois campus étant attachés à l’université de Sherbrooke (Sherbrooke, Moncton, Chicoutimi), à l’heure du Québec, précise le Docteur Aurel Schofield, directeur du centre de formation médical de Moncton et artisan de longue date du développement francophone de la médecine dans la région. Si ce n’était de l’accessibilité aux infrastructures (ceps, librairie acadienne, etc.), résume Christian Campagna : « la bâtisse pourrait être construite au beau milieu du bois, entre Fredericton et Moncton, que ça ne ferait presque aucune différence. » Le peu d’implication observable de leur part sur le campus n’est pas seulement attribuable au manque de temps ou au fait qu’ils ont trop d’études. Le docteur Schofield dit que la situation a évolué et qu’il y a un effort de fait pour que les étudiants s’impliquent. Il cite en autre certains étudiants qui sont arrivés à performer autant dans les aigles bleus que dans leurs cours. Trois faits illustrent bien l’impossibilité d’être à part entière impliqué sur le campus : la semaine d’étude n’est pas en même temps que l’université de Moncton et le commencement des cours ne l’est pas plus pour le retour du congé des fêtes, il y a parfois conflit d’horaire pour la coupe féécum et l’impossibilité d’avoir un étudiant dans le conseil de la féécum parce qu’évidemment le programme ne fait pas parti de la féécum. Toutefois, en ce temps de pénurie de médecins francophones, pour ceux qui auraient besoin de réserver un médecin de famille pendant qu’il en est encore temps, il y aura un party le 1er décembre au Irock organisé par l’AGÉEEMUS en collaboration avec le conseil d’administration.

Des méthodes de travail distinctes
Un des points qui distinguent le programme donner par l’université de Sherbrooke et donc suivit ici à Moncton, par rapport au programme de l’université Laval et de Montréal réside dans l’emphase que les cours mettent sur le côté pratique plutôt que sur la théorie. Docteur Schofield se rappelle la première fois qu’il avait pratiqué le métier tout en faisant signe de la rudesse et de la difficulté de ces débuts : « Je n’avais jamais touché à un malade pour vrai, j’avais simplement appris par cœur la théorie dans les livres et là c’était débrouille-toi! Maintenant, les étudiants font face à des cas dès leur entrée dans le programme et en fonction de ces cas, ils doivent trouver par eux-mêmes via les livres ce qui est requis pour soigner le cas énoncé. » Christian Campagna approuve : « Dans ce programme, il faut bâtir son apprentissage. » Le programme est composé de deux années et demie d’apprentissage d’habileté clinique et d’un an et demi d’externat (stage).

Au total, 24 étudiants sont acceptés chaque année par l’université de Sherbrooke pour étudier au centre de formation universitaire de Moncton, tous proviennent du Nouveau-Brunswick. Pour y accéder, les étudiants ont généralement fait 2 ans d’étude et ainsi reçu leur diplôme préparatoire aux sciences de la santé (D.S.S) : l’équivalent de science nature ou pure – selon la génération qui en parle – donné dans les cégeps du Québec. Et donc, contrairement au cheminement de la médecine des universités anglaises : pas besoin de compléter un baccalauréat de 4 ans pour accéder à la médecine.

De superbes résultats pour les étudiants du centre de formation médical à l’université Moncton
De plus, une fois accédé à la médecine, la formation est d’une durée de quatre ans, ce qui est un an de moins que les 5 ans exigés au Québec. Ce n’est rien de nuisible à la compétence des médecins locaux, assure Aurel Schofield, car « lors de la sélection pour les spécialités, du genre médecine générale, cardiologie, gastroentérologie, etc., 100% des étudiants du programme se font choisir au premier tour. Il y a de quoi être fier, car en Amérique du Nord, explique le docteur Schofield : « les normes d’agrément sont les plus strictes au monde. Et le programme est accrédité au niveau américain. » Il n’y a donc aucune plaisanterie faite sur l’acceptation des étudiants en médecine ou dans une quelconque spécialité. Quoiqu’il peut y avoir certaines façons d’augmenter ces chances d’acceptation aux spécialités, disent en concordance Campagna et Schofield, tout en expliquant que le fait d’obliger les étudiants à faire un stage à l’extérieur du centre de formation leur est favorable puisqu’il permet au futur médecin d’être connu dans un milieu où ils seront peut-être sélectionnés. Malgré tout, il y a une petite part de hasard dans la sélection, admettent Campagna et Schofield.

Un programme qui n’a rien à envier aux autres
Il serait possible de reprocher à ce programme d’être dépendant d’une université québécoise, mais au nombre d’avantages que la situation apporte, il n’y a pas lieu de vouloir changer le programme, affirme le docteur Schofield. En effet, la tendance en médecine serait, selon Aurel Schofield, aux petits programmes qui servent les étudiants directement avec une proximité entre étudiants et professeurs, avec un programme plus pratique que théorique dans des amphithéâtres de moindre ampleur. Nous avons tout de même à organiser nos cours, à les financer, à administrer le tout, etc., alors la grève des employés de soutien de l’université de Sherbrooke, qui augmente de beaucoup la charge des docteurs, ne nous touche pas. C’est surement l’avantage d’être situé à 1000 km, lance le docteur Schofield avec un rire narquois.

Lorsque le programme a commencé, le centre de formation médical de Moncton était le deuxième au Canada à faire partie d’un programme de délocalisation, il y en a maintenant six qui ont suivi la même voie.

Une indépendance dans le contexte d’un milieu très peu populeux comme l’Acadie ferait en sorte que les médecins, aussi professeurs, seraient surchargés académiquement. Aurel Schofield affirme que la présente organisation du programme est le meilleure des deux mondes; d’un côté, l’expertise du centre universitaire de Fleurimont à Sherbrooke, une bonne partie de la paperasse et de l’organisation qui n’occupe pas le peu de médecins francophones du Nouveau-Brunswick, de l’autre : un programme de très bonne qualité qui forme des médecins compétents. Au total, 270 médecins donnent du temps au programme.

Agrandissement du pavillon Raymond Frenette
Comme certains ont pu le constater, le pavillon situé de l’autre côté de la rue Morton est dans une phase d’expansion. La superficie du bâtiment sera doublée avec un ajout de vingt mille pieds carrés à l’enceinte déjà existante. Ce qui ne remplissait pas le devis ou l’approximation des besoins initiaux – car le nombre d’étudiants augmentait juste par l’acceptation des nouveaux, année après année, depuis le début en 2006 – va maintenant le permettre. Aurel Schofield lance avec un petit rire malingre que le bâtiment n’est pas construit que déjà il est rempli à rebord. Il y aura une nouvelle salle de rencontre pouvant accueillir 150 personnes, le nombre de salles de simulation médicale passera d’une à quatre, le tout permettra aussi de garder les locaux d’études ouverts 24 heures sur 24.

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