mercredi 10 octobre 2012

Chronique de la RAT : Qu’en est-il des mots?

par Sylvain Bérubé

Sylvain Bérubé, cofondateur de la Réforme acadienne traditionnelle (RAT) et bachelier en science politique à l’Université de Moncton, termine présentement sa maîtrise en science politique à l’Université d’Ottawa à Ottawa. Se sentant tel un Acadien naufragé en terre inconnue, bien loin maintenant de sa terre natale, il nous fait part chaque semaine de ses réflexions en louant les bonnes vieilles valeurs de l'Acadie pré-1755.

Qu’est-ce que la RAT? Qu’est-ce qu’un mouvement? Comment décrire une chose comme la RAT? Comment dire, en mots, ce qui est dans l’esprit même d’un peuple? Lorsque nous voulons parler d’une chose que nous n’avons pas connue et qu’il n’y a pas d’équivalent dans notre monde immédiat, comment pouvons-nous exprimer cette pensée dans des mots qui seront compris? D’ailleurs, quelle est l’importance des mots? À qui pouvons-nous parler avec nos mots? Et que pouvons-nous dire avec nos mots? Qui déterminent les mots qui existent dans notre vocabulaire? Sommes-nous limités par l’unidimensionnalité d’une langue qui est régie par 40 immortels? Pourquoi ont-ils une autorité suprême sur les mots qui me sont disponibles pour parler de l’Acadie? Sommes-nous pour ainsi dire des sujets d’un vocabulaire oppresseur qui ne veut pas admettre une autre réalité langagière?

Est-ce juste que notre accent et notre langue approchent beaucoup plus l’attraction touristique que l’arme émancipatrice? Serait-il possible de ne pas se faire culpabiliser lorsque l’on use un mot vieilli? Ou même un anglicisme? Serait-il possible de ne pas se faire constamment mentionner que notre accent est différent? Pouvons-nous vivre dans un environnement qui ne mousserait pas un sentiment d’infériorité linguistique? Pouvons-nous, un jour, cesser de parler en termes de niveaux de langue pour finalement accepter la pluralité des régionalismes? Pourquoi sommes-nous critiqués de parler un français « faible » quand nous nous battons perpétuellement pour notre langue? Pourquoi ne reconnaissons-nous pas les couleurs de notre parler acadien lorsque la vraie menace est celle d’une langue dominante et inflexible?

Comment faire pour mener une réforme quand nous devons faire face à deux langues qui rient de nos expressions? Comment faire face à une Académie qui nie nos particularités et à une population anglophone qui ne veut pas de notre parlé? Vers qui devons-nous diriger nos messages de résistance? Pouvons-nous réellement exprimer dans nos mots ce qui doit être dit sur l’Acadie tout en évitant que le message ne sorte pas de chez nous? Devons-nous tenter de surmonter l’obstacle de notre vocabulaire « vieilli » et « régional » pour transmettre plus efficacement la Réforme outre frontière? Comme le jeu du téléphone, est-il possible que notre message traverse les villages acadiens sans perdre son sens? Et quel message devons-nous répandre quotidiennement? Sommes-nous cloisonnés dans ces questions? Suis-je irréaliste de penser que nous avons de belles choses à dire, que nous disons de belles choses entre nous et qu’il faut les partager? Est-ce déraisonnable de vouloir dire dans les mots de mes grands-parents ce qui se passe chez nous?

Est-ce que je fais de moi un idéaliste déraisonnable quand je dis vouloir parler de mon Acadie? Je ne peux quand même pas être le seul à trouver absurdes les restrictions qui sont faites quant à l’usure de notre parler? Sommes-nous aussi coupables de voler la saveur de l’Acadie quand nous nous conformons à une langue standard qui n’est pas acadienne?

Bref, cette semaine les mots me manquent pour vous dire comment je pense à l’Acadie.

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