mercredi 21 novembre 2012

Critique littéraire : A-t-on encore besoin des journalistes?

par Anrthony Doiron

Redéfinir le rôle du journalisme à l’heure du Web 2.0
À l’heure de la révolution numérique d’aujourd’hui, le journalisme a-t-il su conserver toute sa pertinence? C’est la question à laquelle Éric Scherer tente de répondre dans son ouvrage intitulé A-t-on encore besoin des journalistes? Manifeste pour un « journalisme augmenté », publié en 2011 aux éditions Presses universitaires de France. Directeur de la prospective et de la stratégie numérique du groupe France Télévisions au moment de la publication de cet ouvrage, Scherer en est à sa deuxième publication.

L’auteur désire nous faire comprendre où s’en va le journalisme, mais surtout nous expliquer les sources des bouleversements technologiques et économiques qui poussent la profession vers une destination nébuleuse.

Tout, maintenant
Le web 2.0 est venu bouleverser la façon dont les gens voient et consomment de l’information. En plus d’être continuellement mise à jour à toutes les heures de la journée ou de la nuit, les nouvelles sont maintenant accessibles en tout temps et de partout. Peu importe leur médium original, les médias d’information traditionnels ne peuvent plus se passer d’Internet. Les journaux offrent des versions en ligne d’articles publiés sur papier et y rajoutent du contenu vidéo. Les chaînes d’information radio rédigent des blogues afin de solliciter la rétroaction de ses lecteurs et y offrent des images. Cette convergence inévitable vers le Web force les médias à jouer dans les plates-bandes des autres.

Toujours grâce à Internet, les sources permettant la création de contenu se sont vues décuplées. L’ordinateur avec caméra vidéo et microphone intégrés, combiné aux médias sociaux — et à la facilité de transmission d’information qu’ils permettent — nous ont tous transformé en de potentielles micro-agences de presse. L’enquête, l’opinion, la critique, la collecte de données; le journalisme voit ainsi ses missions partagées avec des milliers d’internautes. En cet âge de surabondance de l’information, ce n’est plus celle-ci qui est une denrée rare, mais bien le temps nécessaire pour toute la consommer.

Selon Scherer, c’est au travers de ses talents de triage, de classification et de synthèse que le journalisme parviendrait à garder toute sa pertinence. Le journalisme serait en quelque sorte une cure à la surabondance d’information en devenant un phare, un filtre, permettant au consommateur d’y voir plus clair parmi cet épais brouillard accapareur de temps.

Malgré tout, les médias d’information traditionnels peuvent être contournés : ils n’ont plus le monopole de la parole, ce qui cause de sérieux problèmes au niveau de leurs moyens de financement.

La publicité
Si la presse écrite n’a maintenant plus l’apanage des petites annonces, d’où elle tirait la majeure partie de ses revenus, il lui devient de plus en plus difficile de se dénicher des gains ailleurs.

Qui dit moins de revenus, dit coupures dans les salles de rédaction, et qui dit coupure dans les salles de rédaction, sous-entend appauvrissement de l’information. Afin de compenser pour les pertes financières, on prescrit aux journalistes de favoriser la quantité au lieu de la qualité, le sensationnalisme au lieu de la pertinence, l’information « fast-food » au lieu de l’analyse; bref, de faire plus avec moins.

Réveillez-vous
L’avenir de la profession dépeint dans cet ouvrage s’avère inquiétant. Scherer tire la sonnette d’alarme et vise juste lorsqu’il affirme qu’à l’heure de la révolution numérique d’aujourd’hui, le journalisme court à sa perte s’il ne cherche pas à se réinventer.

L’auteur parvient à dresser un portrait détaillé de l’évolution des outils technologiques en prenant soin de contextualiser leurs influences sur la cueillette, la compréhension, le traitement ainsi que la transmission de l’information. Données à l’appui, il cerne le contexte socio-économique des médias d’information et démontre avec succès que leur classement n’est plus le même au sein de la hiérarchie de la transmission d’informations.

La lecture de cet ouvrage permettra à quiconque s’intéressant à la profession de mieux se situer par rapport à la période transitoire que celle-ci expérience présentement et d’obtenir une meilleure compréhension des maux qui l’accablent.

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